vendredi

La perspective de Jacopo Robusti



La Cène, Jacopo Robusti, 1592-1594

 La Cène du Tintoret innove sur un point qui joue en faveur de la représentation de la perspective : La table est disposée de travers, en diagonale. C'est une première dans l'histoire des représentations de la Cène, la table a en effet toujours été placée face au spectateur pour bien discerner la scène peinte. Cette table, comme les carreaux du sol ou l'alignement des personnages, amène le regard du spectateur au fond de la pièce (qui n'est d'ailleurs pas discernable) en créant un effet de profondeur et même de pièce infinie. Il y a donc dans cette oeuvre, une profondeur remarquable.

Mais cette oeuvre n'est pas totalement "réaliste" dans le contexte où la lumière rayonne de manière irréelle. Sa forme rappelle celle d'un oiseau et la fumée de la pièce est fantomatique puisqu'elle prend la forme d'anges volant au dessus des convives, de plus les ombres sont très prononcées, presque bizarres. Et l'auréole du Christ rayonne bien trop pour être fidèle à la réalité, la ligne partant de la lampe et allant jusqu'à l'auréole du Christ est une ligne dominante de la scène. C'est pourquoi on se pose une question : Le Christ est-il l'élément central de cette oeuvre, malgré l'imposante impression de profondeur et les multiples lignes infinies ?

Le Christ élément central de l'oeuvre, c'est difficile à dire, mais élément central de la scène cela est sûr !
C'est à ce moment que l'étude des personnages est importante, puisque ceux-ci, représentés avec de la minutie et un grand sens du détail, ont des gestes des mains, des mouvements de tête et des regards précis. Ce qui donne toute la vitalité de la scène mais aussi beaucoup de réalisme avec un côté théâtral et dramatique. La construction de l'espace par les personnages est maîtrisée. La Cène est naturelle.

Le seul petit souci de perspective se situe au niveau de la table, qui est volontairement mal représentée. Elle défie les lois de la physique pour une meilleure perception des attitudes des hôtes et de son contenu. Le point de vue est donc faussé, il est plus plongeant au niveau de la table que du reste.
Néanmoins l'échelle des proportions est juste, allant du plus grand au plus éloigné, pour une fois de plus : accentuer la profondeur de la pièce.

Le tintoret, innovateur et perfectionniste, a donc misé en priorité sur une nouvelle approche perspective de la Cène avec une profondeur de l'espace très prononcée et une disposition des personnage mais aussi de la table annonçant cette construction. C'est donc dans la recherche de nouveauté de représentation de l'espace que tourne cette analyse d'oeuvres précises, après la recherche de perfection géométrique nous sommes ici, plus dans la recherche d'une agréable représentation visuelle (quitte à dérégler la perspective qui choque, qui ne sonne pas juste !).


Les lignes rouges sont les lignes constructives de la Cène, les deux ronds jaunes sont les deux lumières "divines" reliées et formant une ligne directrice importante dans cette oeuvre, et enfin, le rond blanc est le point de fuite (en prenant en compte qu'il est compliqué de le dégager dans cette représentation étant donné l'illusion de l'infini).

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